Les conséquences d’une faillite pour les actionnaires et les administrateurs de petites et moyennes entreprises au Canada
La faillite peut être une perspective intimidante pour toute entreprise, mais elle revêt une importance particulière pour les actionnaires et les administrateurs de petites et moyennes entreprises (PME). Lorsqu’une société constituée en vertu de lois sur les sociétés par actions de régime provincial ou fédéral est acculée à la faillite, cela peut avoir de profondes ramifications. Dans ce genre de société, contrairement à ce qui se passe dans les entreprises individuelles et les sociétés de personnes, où les propriétaires d’entreprise sont personnellement responsables de toutes les dettes et obligations, les biens personnels bénéficient d’une certaine protection. Cela dit, les actionnaires et les administrateurs sont tout de même exposés à des risques et à des conséquences de taille en cas de faillite.
Comprendre la faillite commerciale
Au Canada, la faillite commerciale est régie par la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI) et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC). Le processus qui s’enclenche vise à remédier aux difficultés financières de la société, aboutissant souvent à une réorganisation ou à une liquidation. En ce qui concerne les PME, la voie la plus souvent empruntée est celle de la LFI, en raison de ses procédures simplifiées.
Conséquences pour les actionnaires
Perte d’investissement :
- Valeur nette : En cas de faillite, les actionnaires sont parmi les derniers à être remboursés. Les créanciers garantis, les créanciers non garantis et les créanciers obligataires sont payés en priorité. Par conséquent, il arrive souvent que les actionnaires perdent la totalité de leur investissement, car l’actif de l’entreprise est généralement insuffisant pour couvrir toutes les dettes.
- Dividendes : Tout espoir de dividendes s’éteint dans le cadre d’une faillite. Les bénéfices de l’entreprise servent à rembourser les dettes.
Protection de la responsabilité limitée :
- L’un des principaux avantages de la constitution en société est la responsabilité limitée. Les actionnaires ne sont pas tenus personnellement responsables des dettes de l’entreprise, outre leur propre investissement en actions. Autrement dit, les biens personnels des actionnaires sont protégés, même si l’entreprise déclare faillite.
- Cependant, les garanties personnelles consenties par les actionnaires pour les prêts contractés par l’entreprise peuvent compromettre cette protection, engageant ainsi leur responsabilité personnelle à l’égard de ces dettes.
Responsabilités personnelles des administrateurs
Responsabilités d’origine législative : Les administrateurs peuvent, en vertu de différentes lois, être tenus personnellement responsables de certaines dettes et obligations de l’entreprise, dont les suivantes :
- Salaires non payés : les administrateurs peuvent être personnellement responsables des salaires impayés des employés jusqu’à concurrence de six mois de salaire;
- Retenues à la source : les administrateurs peuvent être passibles des retenues à la source non versées comme l’impôt sur le revenu, les cotisations au Régime de pensions du Canada (RPC) et les cotisations d’assurance-emploi (AE);
- TPS/TVH : les administrateurs peuvent aussi être tenus responsables personnellement de la taxe sur les produits et services (TPS) ou de la taxe de vente harmonisée (TVH) perçue par l’entreprise, mais non remise;
- Taxes provinciales : la responsabilité personnelle des administrateurs peut être engagée pour toute taxe de vente provinciale non remise et d’autres prélèvements provinciaux;
- Indemnisation des travailleurs : les administrateurs pourraient aussi devoir assumer personnellement les cotisations non payées à la commission des accidents du travail.
Obligations de fiduciaire
- Les administrateurs ont l’obligation, à titre de fiduciaires, d’agir au mieux des intérêts de l’entreprise. S’ils manquent à ces obligations, par exemple en commettant des actes frauduleux ou en se comportant de manière abusive, leur responsabilité personnelle pourrait s’en trouver engagée. Les tribunaux peuvent « percer le voile de la personnalité morale » et tenir les administrateurs personnellement responsables des dettes de l’entreprise en cas d’inconduite de leur part.
Contrôle et influence
- Dans le cadre d’une procédure de faillite, le contrôle de l’entreprise passe des mains des actionnaires et des administrateurs à celles du syndic à la faillite ou du contrôleur nommé par le tribunal. Les actionnaires et les administrateurs n’ont plus leur mot à dire dans les décisions commerciales et la gestion des affaires internes de l’entreprise.
- Pour les actionnaires uniques ou les petits groupes d’actionnaires, cette perte de contrôle peut être particulièrement déroutante, car ils participent souvent activement au fonctionnement de l’entreprise au quotidien.
Incidence sur la solvabilité et la réputation
- Les actionnaires, en particulier les exploitants à titre individuel et les petits groupes d’actionnaires, pourraient ressentir personnellement les effets d’une faillite en ceci que la qualité de leur crédit et la réputation de l’entreprise pourraient en pâtir. Leur participation dans une entité faillie peut compromettre leur capacité à obtenir du financement à l’avenir ou à profiter d’occasions d’affaires.
- La stigmatisation associée à la faillite peut aussi se répercuter sur leurs relations personnelles et professionnelles.
Répercussions fiscales
- La faillite d’une entreprise peut avoir des conséquences pour les actionnaires sur le plan fiscal. Par exemple, les pertes en capital sur actions peuvent être réalisées, puis utilisées pour compenser les gains en capital réalisés sur d’autres investissements.
- Il est primordial de consulter un ou une fiscaliste pour comprendre les implications fiscales spécifiques et les possibilités d’allégement fiscal.
Mesures à prendre par les actionnaires et les administrateurs faisant face à la faillite
Demander conseil à des professionnels : Le recours aux services de professionnels de l’insolvabilité comme un syndic autorisé en insolvabilité ou une spécialiste en réorganisation d’entreprise est déterminant. Ces personnes peuvent éclairer les actionnaires et les administrateurs sur les implications fiscales et financières, et les aider à s’orienter dans le processus de mise en faillite.
Passer en revue les garanties personnelles et les responsabilités : Évaluer les garanties personnelles données à l’égard des dettes de l’entreprise et explorer les possibilités de renégociation ou de règlement afin d’atténuer le risque financier personnel. Les administrateurs devraient également revoir les responsabilités qui pourraient leur incomber en vertu de la loi et veiller à limiter le risque d’être tenus responsables, par exemple en s’assurant de remettre les montants exigés et en adoptant des pratiques de gouvernance d’entreprise adéquates.
Évaluer les solutions de rechange : Avant de se résigner à la faillite, envisager d’autres solutions comme la réorganisation, le refinancement ou la négociation avec les créanciers. Ces options pourraient aboutir à un résultat plus avantageux pour les actionnaires et les administrateurs.
Planifier l’avenir : Tirer des enseignements de l’expérience, afin de se doter de pratiques commerciales plus résilientes à l’avenir, par exemple diversifier les investissements, mettre en œuvre des contrôles financiers plus stricts ou trouver des associés avec qui partager le risque commercial.
La faillite est une expérience difficile pour toute entreprise, mais elle peut avoir sur les actionnaires et les administrateurs de PME une incidence particulièrement marquée. Pour s’orienter durant cette épreuve, il est donc essentiel de bien comprendre le cadre juridique qui l’entoure, les pertes financières qu’elle pourrait occasionner et les répercussions qu’elle peut avoir sur le plan personnel. En s’adressant à des professionnels et en envisageant des stratégies de rechange, les actionnaires et les administrateurs peuvent mieux gérer ces répercussions et se préparer en vue de futurs projets d’affaires.