Articles de fond de la revue Rebuilding Success - Printemps/Été 2025 > En rappel : décisions ayant retenu notre attention
En rappel : décisions ayant retenu notre attention
![]() |
Par Natasha MacParland, associée, et Rui Gao, associée, Davies Ward Phillips & Vineberg LLP1
Le surlignage en bleu indique les nouvelles causes que nous avons suivies depuis la parution du dernier numéro de Rebuilding Success; le texte en bleu se rapporte aux mises à jour des causes décrites dans une parution précédente.
Cause | Enjeu | Mise à jour |
---|---|---|
Ernst & Young Inc. c. Aquino (Ontario) |
Le système de fausse facturation mis en œuvre par la direction de la société constituait-il une « opération sous-évaluée […] [destinée à] frauder ou […] frustrer un créancier ou [à] en retarder le désintéressement »? |
Oui. La Cour supérieure de justice de l’Ontario – rôle commercial et la Cour d’appel de l’Ontario ont toutes deux estimé que les paiements effectués dans le cadre du stratagème frauduleux constituaient des opérations sous-évaluées. Dans son analyse, la Cour d’appel a également imputé spécifiquement les intentions frauduleuses de l’âme dirigeante de la société à cette dernière, même si l’âme dirigeante fraudait également la société. Les conclusions du tribunal inférieur ont été confirmées par la Cour suprême du Canada dans un arrêt rendu le 11 octobre 2024. La Cour suprême a estimé que la doctrine de l’attribution d’un acte aux sociétés doit être appliquée de manière téléologique, contextuelle et pragmatique. L’attribution de l’intention frauduleuse à la société était appropriée dans ce cas, car elle était conforme aux objectifs de l’article 96 de la LFI, en permettant aux créanciers de récupérer les actifs transférés frauduleusement et en protégeant l’ensemble des actifs disponibles pour leurs réclamations. L’appel porté devant la Cour suprême a été examiné en même temps que l’appel dans l’affaire Golden Oaks Enterprises Inc. c. Scott (voir la 2 rangée ci-dessous). L’Institut d’insolvabilité du Canada (« IIC ») et le procureur général de l’Ontario sont intervenus dans cette procédure d’appel. Le 7 novembre 2024, les appelants ont demandé une nouvelle audience. La Cour suprême a rejeté la requête le 16 décembre 2024. |
Golden Oaks Enterprises Inc. c. Scott (Ontario) |
S’agissant d’une chaîne de Ponzi menée par le dirigeant d’une société qui dépose ensuite son bilan, à quel moment, à l’égard des délais de prescription, peut-on imputer à la société la connaissance des faits sur lesquels se fonde la réclamation du syndic de faillite visant le recouvrement des fonds perdus dans la chaîne de Ponzi? |
Non. Dans un arrêt rendu le 11 octobre 2024, la Cour suprême du Canada a confirmé la décision de la Cour d’appel de l’Ontario, dans laquelle elle refusait d’appliquer le principe d’attribution d’actes à une société en vue d’imputer à Golden Oaks la connaissance de la fraude de son dirigeant. Le délai de prescription relatif à la réclamation pour enrichissement sans cause présentée par le syndic de Golden Oaks n’a commencé à courir qu’au moment de la désignation du syndic de faillite. La Cour suprême a estimé que le fait d’attribuer à la société la connaissance de la fraude du dirigeant serait contraire à l’ordre public, car cela saperait l’objectif de la Loi sur la prescription des actions et de la LFI en facilitant la rétention des produits illégaux et en réduisant la valeur des actifs du débiteur à répartir entre les créanciers. Comme il est indiqué ci-dessus, la Cour suprême du Canada a entendu la cause Ernst & Young Inc. c. Aquino en même temps (voir la 1 rangée ci-dessus). L’Institut d’insolvabilité du Canada (IIC) et le procureur général de l’Ontario sont intervenus dans cette procédure d’appel. |
Poonian (Re) (Colombie-Britannique) |
Un « nouveau départ » accordé dans le cadre d’une faillite peut-il entraîner l’extinction des dettes et des obligations attribuables à une fraude? |
Non. S’il y a un lien direct, entre les dettes ou les obligations qui correspondent à la valeur des biens ou des services obtenus frauduleusement, elles seront soustraites à l’application de l’ordonnance de libération en vertu de l’alinéa 178(1)e) de la LFI. La Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique a imposé une ordonnance de remise et des sanctions administratives aux faillis en raison de leur conduite frauduleuse dans la négociation de valeurs mobilières. La Cour suprême de la Colombie-Britannique (« BCSC ») a rendu une ordonnance selon laquelle les sommes à payer par les Poonian ne seraient pas libérées par une ordonnance de libération en vertu de la LFI. La Cour suprême de la Colombie-Britannique s’est appuyée sur les dispositions relatives aux « exceptions pour les dettes non libérées par l’ordonnance de libération », prescrites aux alinéas 178(1)a) et e) de la LFI. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique (BCCA) a rejeté un appel à l’encontre de la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Elle a notamment conclu que l’alinéa 178(1)a) ne s’appliquait pas, car il ne prévoyait que des exceptions pour les amendes et les sanctions « rendues par un tribunal ». Toutefois, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé la conclusion de la Cour suprême de la Colombie-Britannique selon laquelle l’ordonnance de remise et les sanctions administratives étaient soustraites à l’application de l’alinéa 178(1)e) parce qu’il s’agit de « dettes ou obligations résultant de l’obtention de biens ou de services par des faux-semblants ou la présentation erronée et frauduleuse des faits ». La décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a été portée en appel devant la Cour suprême du Canada. Plusieurs parties sont intervenues dans cet appel, notamment l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation et le Bureau du surintendant des faillites. Le 31 juillet 2024, dans une décision de cinq contre deux, la Cour suprême du Canada a accueilli l’appel en partie et s’est penchée sur l’applicabilité de l’alinéa 178(1)a) et de l’alinéa 178(1)e). En ce qui concerne l’alinéa 178(1)a), la Cour suprême du Canada a conclu que ni l’ordonnance de remise ni les sanctions administratives n’étaient soustraites à l’application de l’ordonnance de libération et a confirmé la conclusion de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique selon laquelle le terme « rendue par un tribunal » dans cette disposition, ne comprennent pas les ordonnances rendues par des tribunaux administratifs ou des organismes administratifs qui sont ensuite enregistrées en tant que jugements d’une cour de justice. La Cour suprême du Canada a également reconnu que cette exemption ne vise pas uniquement les amendes et les sanctions qui découlent d’une procédure pénale ou quasi pénale. En ce qui concerne l’alinéa 178(1)e), la Cour suprême du Canada a statué que les ordonnances de remise sont soustraites à l’application d’une ordonnance de libération, mais pas les sanctions administratives. Il en est ainsi parce : 1) qu’il y avait un lien direct entre l’acte frauduleux et le montant de l’ordonnance de remise et 2) qu’en revanche, les sanctions administratives imposées par la Commission n’étaient pas la conséquence directe des actes frauduleux. Il s’agit plutôt d’une décision administrative sans rapport avec la valeur des biens ou des services obtenus à la suite de l’acte frauduleux. De façon plus générale, la Cour suprême du Canada a précisé que pour qu’une dette ou une obligation subsiste après la faillite en application de l’alinéa 178(1)e), il faut établir trois critères : 1) les faux-semblants ou la présentation erronée et frauduleuse des faits, 2) la transmission de biens ou la fourniture de services et 3) un lien entre la dette ou l’obligation et la fraude. La Cour suprême du Canada a été saisie le 30 août 2024 d’une requête en nouvelle audition de l’appel. Le 28 novembre 2024, la Cour a rejeté la requête. |
Piekut v. Canada (Minister of National Revenue) (Colombie-Britannique) |
Le délai de sept ans prévu à l’alinéa 178(1)g) de la LFI (« dans les sept ans suivant la date à laquelle le failli a cessé d’être un étudiant à temps plein ou à temps partiel ») court-il à partir de la dernière date à laquelle le failli a cessé d’être un étudiant à temps plein ou à temps partiel, indépendamment du fait que les études à cette dernière date étaient financées par un ou plusieurs prêts étudiants garantis par un programme gouvernemental? |
Oui. Le 19 avril 2023, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé la décision du juge en chambre concernant l’interprétation de l’alinéa 178(1)g) de la LFI. Le juge en chambre s’était appuyé sur la décision rendue en 2015 par la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l’affaire Mallory sur cette même question. La Cour d’appel a reconnu qu’il existait des décisions contradictoires dans d’autres territoires de compétence (par exemple, St. Dennis [Re], 2017 ONSC 2417). Dans ces décisions, d’autres tribunaux avaient conclu que la période de sept ans prévue à l’alinéa 178(1)g) de la LFI courait à partir de la dernière date à laquelle le failli avait cessé d’être un étudiant à temps plein ou à temps partiel dans le cadre d’études financées par un programme fédéral ou provincial de prêts aux étudiants. Toutefois, la Cour d’appel a conclu que c’est la décision Mallory, plutôt que ces autres décisions, qui a été rendue correctement. Le 14 décembre 2023, la Cour suprême du Canada a accordé l’autorisation d’appel dans cette cause. Le 27 avril 2024, la Cour suprême du Canada a accordé l’autorisation d’intervenir à de nombreuses parties, dont l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation. L’appel a été entendu le 5 novembre 2024. Au 4 février 2025, cette cause est actuellement en délibéré. |
Atlantic Sea Cucumber Ltd. c. Weihai Taiwei Haiyang Aquatic Food Co. (Nouvelle-Écosse) |
Existe-t-il un conflit juridique ou d’application entre les exigences en matière de préavis et de signification en vertu de la LACC et les règles de procédure civile de la Nouvelle-Écosse? |
Non. Dans cette affaire, Atlantic Sea Cucumber Ltd a déposé une demande auprès de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse afin de convertir une proposition en vertu de la LFI en un arrangement en vertu de la LACC. Les documents de la demande n’ont pas été déposés et signifiés dans les délais prévus par les règles de procédure civile de la Nouvelle-Écosse. Atlantic Sea Cucumber Ltd a demandé un abrégement du délai. La Cour a conclu que le créancier avait subi un préjudice et a refusé d’abréger le délai. Compte tenu de l’insuffisance du préavis, la demande de conversion a été rejetée. Atlantic Sea Cucumber Ltd a interjeté appel, alléguant un conflit de prépondérance entre les délais prévus par la LACC et les règles de procédure civile. La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse (« NSCA ») a rejeté l’appel au motif qu’Atlantic Sea Cucumber Ltd était tenue de demander l’autorisation d’interjeter appel, ce qu’elle n’a pas fait. La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a néanmoins commenté le bien-fondé de l’affaire, faisant remarquer qu’il n’y a pas de conflit juridique ou d’application entre la LACC et les règles de procédure civile de la Nouvelle-Écosse. La LACC et les règles de procédure civile donnaient au juge le pouvoir discrétionnaire de renoncer aux délais ou de les abréger, et les mêmes critères régiraient l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Le tribunal inférieur n’a pas commis d’erreur en refusant l’abrégement du délai. Le 27 mai 2024, Atlantic Sea Cucumber Ltd a déposé une demande d’autorisation d’interjeter appel auprès de la Cour suprême du Canada. La demande a été rejetée avec dépens le 5 décembre 2024. |
Peakhill Capital Inc. c. 1000093910 Ontario Inc. (Ontario) |
Existe-t-il un droit d’appel automatique d’une ordonnance de nature procédurale portant sur l’approbation simultanée d’un processus de vente et d’un accord de vente avec soumissionnaire-paravent dans le cadre d’une procédure de mise sous séquestre? |
Oui, conformément à l’alinéa 193(1)c), si l’ordonnance de nature procédurale a pour effet de compromettre la valeur d’un bien de plus de 10 000 $. Avant le prononcé de l’ordonnance de mise sous séquestre, le débiteur avait conclu une convention d’achat-vente inconditionnelle avec un tiers en vue de vendre son actif principal pour un montant de 31 000 000 $. Après la délivrance de l’ordonnance de mise sous séquestre, le séquestre a conclu avec le même tiers, dans le cadre d’une vente aux enchères, un accord de vente avec soumissionnaire-paravent, prévoyant un prix de vente minimum de 24 255 000 $ et une indemnité de rupture de 250 000 $ payable au tiers si une offre à un prix plus élevé était obtenue. La Cour supérieure de justice de l’Ontario – rôle commercial a approuvé le processus de vente et l’accord de vente avec soumissionnaire-paravent et a refusé d’entendre la motion incidente du débiteur visant à approuver la convention d’achat-vente initiale. Le rôle commercial a conclu que la motion incidente avait été déposée tardivement, qu’elle ne pouvait pas être examinée sans avis de motion, et qu’elle avait peu de chances d’aboutir dans tous les cas. Le débiteur a interjeté appel de la décision. Le séquestre s’est opposé à la demande d’appel au motif qu’il n’y avait pas de droit d’appel automatique parce que l’ordonnance était de nature procédurale. La Cour d’appel de l’Ontario a conclu que le débiteur avait un droit d’appel automatique. Bien que l’ordonnance était de nature procédurale, elle a pour effet de compromettre la valeur d’un bien de plus de 10 000 $. Cette conclusion s’appuie sur : i) la comparaison des modalités de la convention d’achat-vente initiale et de l’accord de vente avec soumissionnaire-paravent et ii) la conclusion selon laquelle l’ordonnance a privé le débiteur de toute capacité à l’exécution de la convention d’achat-vente initiale. L’appel de plein droit du débiteur a par la suite été rejeté dans l’affaire 2024 ONCA 261. Le délai pour demander l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada est expiré. Aucune autorisation n’a été demandée. |
Qualex-Landmark Towers Inc. c. 12-10 Capital Corp. (Alberta) 2023 ABCA 177 (qui autorise une intervention de l’Association des banquiers canadiens) 2024 ABCA 115 (appel de la décision de la Cour du Banc du Roi de l’Albertal) |
Une obligation environnementale de remise en état a-t-elle préséance sur les créanciers, y compris les créanciers garantis comme les hypothèques, même en dehors du processus formel de faillite? |
Non. Dans cette affaire, les contaminants qui se trouvaient sur le terrain de la société Capital Corp. se sont répandus sur le terrain de la société Qualex-Landmark Towers Inc. (« QLT »). Capital Corp. était prétendument insolvable, mais n’avait pas encore entamé de procédure d’insolvabilité officielle. QLT craignait que Capital Corp. ne soit pas en mesure de s’acquitter de ses obligations de remise en état de l’environnement. En première instance, la Cour du Banc du Roi de l’Alberta (« ABKB ») s’est appuyée sur la décision de la Cour suprême dans l’affaire Redwater (appelée Orphan Well Association c. Grant Thornton Ltd, 2019 CSC 5), et a conclu qu’il existait une probabilité raisonnable que l’obligation de remise en état puisse faire l’objet d’une charge super prioritaire sur les biens, même en dehors du processus formel de faillite et sans l’intervention d’un organisme de réglementation. La Cour a conclu que les entités ont l’obligation envers le public de se conformer à leur obligation environnementale de remise en état et qu’elles ne devraient pas pouvoir se soustraire à cette obligation parce qu’elles n’ont pas encore entamé de procédure formelle de faillite. Capital Corp. et trois de ses créanciers hypothécaires ont interjeté appel de cette décision auprès de la Cour d’appel de l’Alberta (« ABCA »). L’Association des banquiers canadiens a obtenu l’autorisation d’intervenir dans les appels. La Cour d’appel a accueilli le recours et annulé l’ordonnance précédente. La Cour d’appel a notamment conclu que le tribunal inférieur avait commis une erreur en supplantant le régime de priorités établi et en mettant en œuvre « des changements sur des points de droit qui ne relèvent pas de la compétence des tribunaux ». En outre, la Cour d’appel a estimé que l’analyse de Redwater ne pouvait pas être étendue de la manière proposée par QLT. Le délai pour demander l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada est expiré. Aucune autorisation n’a été demandée. |
Peakhill Capital Inc. c. Southview Gardens Limited Partnership (Colombie-Britannique) 2023 BCCA 368 (demande de suspension des procédures déclenchée par l’appel) 2024 BCCA 246 (appel sur le fond) |
La Cour peut-elle accorder une ordonnance de dévolution inversée (« ODI ») dans le cadre d’une procédure de mise sous séquestre si le principal avantage d’une ODI structurée est l’évitement d’une obligation fiscale? |
Oui, si les motifs d’octroi d’une ODI sont justifiés. La société débitrice avait été mise sous séquestre et cherchait à obtenir une ODI dans le cadre de la vente de son entreprise. L’objectif de la structure d’une ODI, par opposition à une ordonnance d’approbation et dévolution traditionnelle, consistait à échapper à une obligation fiscale de 3,5 millions de dollars. La Colombie-Britannique s’est opposée à l’octroi d’une ODI. La Cour suprême de la Colombie-Britannique s’est appuyée sur l’affaire Payslate Inc. (Re), 2023 BCSC 608, pour conclure que les ODI constituent un recours important dans la boîte à outils de l’insolvabilité dans un certain nombre de contextes qui ne sont pas expressément envisagés dans la LACC. Après avoir conclu à la compétence du Tribunal, la Cour a estimé que les critères de Harte Gold (énoncés dans Harte Gold Corp. (Re), 2022 ONSC 653) étaient respectés et que la structure de l’ODI était justifiée. La Cour a conclu qu’il n’y avait rien d’illégal à se servir d’une ODI pour se soustraire à une obligation fiscale, puisqu’il était possible de le faire dans un contexte autre que celui de l’insolvabilité. La province a interjeté appel devant laCour d’appel de la Colombie-Britannique, ce qui a déclenché une suspension automatique des procédures en vertu de l’article 193 de la LFI. L’acheteur a demandé une ordonnance pour annuler la suspension des procédures afin de permettre à la transaction de vente de se conclure dans les délais prévus. La Cour a accordé l’ordonnance, levant la suspension des procédures sous réserve du respect de certaines conditions afin de protéger la province si l’appel est accueilli. Le 2 juillet 2024, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a rejeté l’appel de la province. La province a demandé l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada le 1e octobre 2024. Au 4 février 2025, l’autorisation n’avait pas encore été accordée. |
Banque Royale du Canada c. Canwest Aerospace Inc. (Colombie-Britannique) |
La cour a-t-elle la compétence voulue pour accorder une ODI dans le cadre d’une procédure de mise sous séquestre? |
Oui. La Banque Royale du Canada s’est opposée à la structure d’ODI proposée au motif que le tribunal n’a pas le pouvoir d’ordonner une ODI dans le cadre d’une procédure de mise sous séquestre, à l’instar de la position adoptée par la Colombie-Britannique dans l’affaire Peakhill. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a suivi la décision Peakhill Capital Inc. c. Southview Gardens Limited Partnership, 2023 BCSC 1476 (résumée ci-dessus et tranchée quelques mois auparavant), en concluant que la Cour a compétence pour accorder une ODI dans le cadre d’une mise sous séquestre. À l’époque, la demande d’appel dans l’affaire Peakhill n’avait pas encore été tranchée. Bien que l’affaire Peakhill ait été visée par un appel, la Cour a déclaré qu’elle était tenue de suivre les conclusions de l’affaire Peakhill et de rejeter l’argument de la Banque Royale du Canada jusqu’à ce qu’une cour d’appel remette en question la décision rendue dans l’affaire Peakhill. Après avoir conclu à la compétence du Tribunal, la Cour a estimé que les critères de Harte Gold étaient respectés et que la structure de l’ODI était justifiée. Le délai pour demander l’autorisation de faire appel devant la BCCA est expiré. Aucune autorisation n’a été demandée. |
Invico Diversified Income Limited Partnership c. NewGrange Energy Inc. (Alberta) |
Les redevances dérogatoires brutes constituent-elles un intérêt foncier qui ne doit pas être « dévolu » en dehors du titre foncier des actifs faisant l’objet d’une acquisition dans le cadre d’une ODI? |
Dans cette affaire, non. Les redevances dérogatoires brutes peuvent constituer un intérêt foncier ou un droit contractuel sur les paiements de redevances sans pour autant constituer un intérêt foncier. La Cour du Banc du Roi de l’Alberta a conclu que les redevances dérogatoires brutes dans cette affaire n’étaient pas un intérêt foncier et qu’elles pouvaient de ce fait être dévolues dans le cadre d’une ODI. La Cour a refusé d’examiner la question des redevances dérogatoires brutes, qui pourraient constituer un intérêt foncier, et qui pourraient être dévolues dans le cadre d’une ODI. En déterminant que les droits de redevance dérogatoires ne se « rattachent pas au bien-fonds », la Cour a appliqué le critère Dynex dans l’affaire Banque de Montréal c. Dynex Petroleum Ltd, 2002 CSC 7 pour vérifier les intentions des parties. Malgré le fait que le libellé de l’accord sur les redevances était censé créer un intérêt foncier, le libellé de la clause de cession des redevances et les circonstances factuelles environnantes laissaient entendre le contraire. NewGrange Energy Inc. (le détenteur des redevances dérogatoires brutes) a demandé l’autorisation de faire appel de la décision de la Cour du Banc du Roi de l’Alberta. Le 5 juillet 2024, la Cour d’appel de l’Alberta a autorisé d’en appeler de cette décision. |
Dans l’affaire de The Body Shop Canada Limited (Ontario) 2024 ONSC 5938 (prorogeant la suspension de la procédure) |
Quand les facteurs sont-ils déterminants dans la décision de nommer un avocat représentant dans le cadre d’une motion contestée? |
Dans cette motion contestée, la Cour supérieure de justice de l’Ontario – rôle commercial a rejeté la motion visant à nommer un avocat représentant pour les employés congédiés de The Body Shop Canada Limited. La Cour s’est appuyée sur les facteurs analysés dans l’affaire CanWest Publishing Inc. (Re), 2010 ONSC 1328 (tout en signalant qu’ils ne sont pas exhaustifs et ne doivent pas être nécessairement suivis) afin de refuser la motion visant à nommer un avocat représentant dans cette affaire. Il a été tenu compte du fait que l’univers des membres potentiels du groupe était relativement petit et que les réclamations potentielles des employés licenciés étaient relativement simples. De plus, il n’y avait aucune preuve d’intérêts divergents importants entre les différents groupes d’employés. La Cour a examiné la pertinence d’inclure un mécanisme de désengagement obligatoire dans l’ordonnance proposée. Au moment de présenter la motion, seulement 38 des 220 employés licenciés avaient retenu les services d’un avocat. Un tel mécanisme (et la nomination d’un avocat représentant) assujettirait en fait les employés mis à pied à une réduction obligatoire du montant brut qu’ils recouvreraient autrement auprès de l’entreprise. En outre, la Cour a estimé que le champ d’application proposé pour l’immunité de responsabilité de l’avocat représentant est trop large dans cette affaire. Il chercherait à immuniser l’avocat représentant (s’il est nommé) de toute responsabilité liée à « ses fonctions dans l’exécution des dispositions [de l’ordonnance sollicitée] ». Même si une telle immunité était couramment accordée dans les ordonnances de représentation, la Cour a souligné que les avocats représentants sont dans une position différente de celle des officiers de justice ou des amis de la cour. Alors que les avocats représentants ont des obligations envers leur groupe de clients, les officiers de justice et les amis de la cour ont des obligations envers la Cour. |
John Doe (G.E.B. no 26) v. Corporation épiscopale catholique romaine de St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador) 2024 NLSC 180 (Mise à jour des motifs de l’arrêt) |
La LFI ou la LACC fixe-t-elle la date d’évaluation des réclamations en responsabilité délictuelle contre un défendeur insolvable à la date de dépôt initiale? |
Non. Dans cette affaire, le débiteur était soumis à d’importantes responsabilités potentielles liées à plus de 150 personnes qui intentaient une action en responsabilité délictuelle d’une valeur globale supérieure à 50 000 000 $. Un certain nombre de ces personnes étaient décédés après la date de dépôt initiale du débiteur et, par conséquent, leurs réclamations ont été transmises à leurs héritiers conformément à la Survival of Actions Act, RSNL 1990, c.S -32 (la « SAA »). Toutefois, l’article 4 de la SAA limite la nature des dommages recouvrables aux « seuls dommages qui ont entraîné une perte monétaire réelle pour la succession ». Pour éviter cette restriction, les successions ont fait valoir qu’il fallait interpréter que les dispositions de la LACC et de la LFI comme fixant la date d’évaluation des réclamations des créanciers à la date de dépôt initial. De plus, si les personnes qui intentaient une action en responsabilité délictuelle étaient vivantes à la date de dépôt initial, mais décédaient par la suite, les restrictions de la SAA ne devaient pas s’appliquer aux réclamations de leurs successions. Cet argument a été rejeté par la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador. Les successions ont interjeté appel auprès de la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador (« NLCA »), qui a rejeté l’appel le 22 juillet 2024. La Cour d’appel a fait remarquer que ni la LFI ni la LACC n’établissent de règles précises pour l’évaluation des réclamations en responsabilité délictuelle, et qu’il n’y a aucune raison inhérente aux objectifs de la législation sur l’insolvabilité de s’écarter du droit de la responsabilité délictuelle et du droit statuaire lorsqu’on évalue les dommages délictuels en cas d’insolvabilité et que le juge du procès a exercé de façon appropriée son pouvoir discrétionnaire en vertu des lois. Le délai pour demander l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada est expiré. Aucune autorisation n’a été demandée. |
Griffon Partners Operation Corporation (Re) (Alberta) 2024 ABCA 279 (accordant l’autorisation d’interjeter appel) |
Peut-on appliquer la doctrine de l’ordonnancement lorsqu’il n’y a pas un seul débiteur commun? |
Oui, dans des circonstances exceptionnelles, qui n’existaient pas dans la présente affaire. En l’espèce, le débiteur insolvable avait des obligations envers des créanciers garantis de premier rang et un créancier subordonné garanti. Les obligations du débiteur à l’égard des deux groupes de créanciers étaient garanties par ses biens présents et subséquemment acquis. Ses obligations à l’égard des créanciers de premier rang étaient en outre garanties par un cautionnement de la société de portefeuille de l’un des administrateurs du débiteur. Le créancier subordonné a fait valoir que la doctrine de l’ordonnancement devait s’appliquer, de sorte que le créancier garanti de premier rang puisse réaliser la sûreté en premier. La doctrine prévoit que si un créancier dispose de deux fonds pour honorer une dette, la Cour peut exiger que le créancier ait recours au fonds auquel les autres créanciers n’ont pas accès. En règle générale, la doctrine exige que les deux fonds appartiennent à un seul et même débiteur. La Cour du Banc du Roi de l’Alberta a reconnu que certaines affaires ont appliqué une exception à la règle du « même débiteur ». Toutefois, elle a refusé d’appliquer l’exception dans ce cas parce que : i) le fait que le débiteur et le garant aient un administrateur commun ne suffisait pas pour conclure que les entités sont « en fait une seule et même société »; ii) les circonstances n’étaient pas suffisamment extraordinaires pour justifier de lever le voile corporatif; et iii) l’application de la doctrine de l’ordonnancement serait inéquitable pour la société de portefeuille du garant. Le créancier subordonné a obtenu l’autorisation d’interjeter appel le 26 août 2024. L’affaire a été abandonnée le 26 novembre 2024 et n’a pas eu de suite. |
Williams Moving & Storage (B.C.) Ltd. c. Canada (ministre du Revenu national) (Colombie-Britannique) |
La Cour peut-elle exercer son pouvoir d’appréciation en vertu de l’alinéa 187(5) de la LFI pour modifier une ordonnance approuvant une proposition, même si le critère de rectification n’est pas rempli? |
Oui. Une erreur de rédaction dans une proposition établie en application de la LFI a entraîné l’exclusion involontaire de certaines parties liées de la définition de « créancier non concerné », ce qui fait que les dettes en cours du débiteur à l’égard de ces parties n’ont pas été reconnues. Ainsi le débiteur n’a pas pu se prévaloir de certains reports de pertes fiscales, ce qui a augmenté le revenu imposable d’environ 9 millions de dollars. Le débiteur a demandé la réparation en equity et, à titre subsidiaire, a demandé à la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de la LFI pour modifier la proposition. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a rejeté la demande pour les deux recours. En appel, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a convenu avec la Cour suprême de la Colombie-Britannique qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour accorder la réparation, mais a estimé que la juridiction inférieure aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire pour modifier l’ordonnance approuvant la proposition en application de l’article 187(5) de la LFI. Pour parvenir à cette conclusion, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a examiné et discuté les facteurs qui devraient guider les tribunaux dans l’examen de l’article 187(5). Le délai pour demander l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada est expiré. Aucune autorisation n’a été demandée. |
Arrangement relatif à Gestion Juste Pour Rire inc. (Québec) |
La Loi sur le Programme de protection des salariés (« LPPS ») s’applique-t-elle aux anciens employés de sociétés insolvables en cours de restructuration en vertu d’une ODI dans le cadre de la LACC? |
Oui. La LPPS prévoit que le gouvernement du Canada doit payer les salaires impayés aux salariés dont l’emploi a pris fin à la suite d’une insolvabilité. Dans cette affaire, la Cour supérieure du Québec s’est penchée sur la question de savoir si des paiements au titre de la LPPS étaient dus aux employés qui avaient été licenciés avant une ODI. En se référant à l’objet de la Loi, la Cour a déterminé que le moment pertinent pour évaluer si la LPPS s’applique est le moment où les employés d’une entité insolvable sont licenciés pour cause de faillite ou de restructuration. Les transferts ultérieurs de droits ou d’obligations des salariés entre entités ne sont pas pertinents pour l’analyse. Par conséquent, les employés avaient le droit de recevoir les paiements en vertu de la LPPS. Le procureur général du Canada a demandé l’autorisation de faire appel de cette décision. Le 1er novembre 2024, la Cour d’appel du Québec (« QCCA ») a rejeté la demande. |
Continental Shed Rentals Inc. c. le syndic de faillite, Allan Marshall & Associates Inc. dans l’affaire de la faillite d’Ileana Negru (Nouveau-Brunswick) |
Une sûreté imparfaite est-elle sans effet si le débiteur effectue une cession de faillite? |
Non. Un locataire n’a pas versé les paiements mensuels pour une remise en vertu d’une location avec option d’achat. Le bailleur n’a pas enregistré son intérêt sous le régime de la Loi sur les sûretés relatives aux biens personnels (« PPSA »), mais a obtenu un jugement de la Cour des petites créances du Nouveau-Brunswick pour saisir la remise. Toutefois, avant que le shérif ne puisse exécuter l’ordonnance de délivrance de biens personnels, le locataire a déposé une cession de faillite. Malgré la décision de la Cour des petites créances, le syndic de faillite du locataire a rejeté la réclamation du bailleur à l’égard d’une remise au motif que la faillite avait « priorité sur toutes saisies ou saisies‑arrêts. » En appel, la Cour du Banc du Roi du Nouveau-Brunswick s’est rangée du côté du syndic et a jugé que la sûreté imparfaite était sans effet. En appel, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a confirmé la décision de la Cour du Banc du Roi. Le bailleur n’ayant pas parfait son intérêt avant la faillite, que ce soit par possession ou par enregistrement, le bail n’a pas été résilié et faisait toujours partie des biens du preneur à bail. Le délai pour demander l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada est expiré. Aucune autorisation n’a été demandée. |
Valeo Pharma Inc. c. Ernst & Young Inc. / Autorité des marchés financiers c. Valeo Pharma inc. (Québec) 2024 QCCS 3636 (octroyant l’ordonnance initiale) 2024 QCCS 4251 (discutant et rejetant les objections de l’Autorité des marchés financiers) 2024 QCCA 1741 (accordant la permission d’interjeter appel auprès de l’Autorité des marchés financiers) 2025 QCCA 103 (accordant l’autorisation d’intervenir auprès de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario) |
Le tribunal responsable en vertu de la LACC est-il compétent pour dispenser un émetteur assujetti des obligations d’information continue et des exigences relatives au comité de vérification en vertu de la législation provinciale sur les valeurs mobilières? |
Oui (sous réserve de recours). Valeo Pharma Inc. est un émetteur assujetti en Ontario et s’est placé sous la protection de la LACC. En rendant l’ordonnance initiale et, par la suite, l’ordonnance initiale modifiée et mise à jour, la Cour supérieure du Québec a accordé à Valeo Pharma Inc. et à ses sociétés affiliées des dispenses d’obligations d’information continue et d’exigences relatives aux comités de vérification en vertu de la LACC. L’Autorité des marchés financiers (« Autorité »), soit l’organisme de réglementation des valeurs mobilières du Québec, a demandé et obtenu l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour d’appel du Québec. L’Autorité conteste la validité de ces dispenses en faisant valoir qu’elles i) empiètent sur sa compétence exclusive et son autorité pour réglementer les émetteurs assujettis et protéger les investisseurs; et ii) sont contraires à l’intérêt public et aux objectifs de la LACC. L’Autorité soutient que la Cour supérieure a commis une erreur en appliquant la doctrine de la prépondérance fédérale pour déroger aux lois provinciales sur les valeurs mobilières. La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a demandé et obtenu l’autorisation d’intervenir dans l’appel, en appui à la position de l’Autorité. Valeo Pharma Inc. et ses filiales ont indiqué qu’elles ne répondraient pas à l’appel. Il reste à voir comment l’appel se déroulera dans ces circonstances, y compris si d’autres parties cherchent à intervenir dans l’appel. |
1 Les auteurs remercient Konner Fung-Kee-Fung (stagiaire en droit chez Davies Ward Phillips & Vineberg LLP) pour son aide dans la préparation du tableau.