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Guide sur l’insolvabilité internationale : Comprendre deux lois types de la CNUDCI en la matière
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Par Virginia Torrie, J.D., L.L.M., PhD, ICD.D
Conférencière Law 80, Faculté de droit de l’Université Queen’s
Dans un contexte commercial de plus en plus mondialisé, les principes de l’insolvabilité internationale sont de plus en plus pertinents et nécessaires pour faciliter la prévisibilité et la coordination des procédures. The UNCITRAL Model Laws on Cross-Border Insolvency and on the Recognition and Enforcement of Insolvency-Related Judgments, édité par Reinhard Bork (Université de Hambourg) et Michael Veder (Université Radboud), constitue un guide opportun qui fait autorité sur deux lois types essentielles visant à harmoniser le droit de l’insolvabilité internationale1.
Publié en 2025 par Edward Elgar, ce volume complet rassemble les commentaires et les points de vue, article par article, d’un groupe international de spécialistes de l’insolvabilité sur la Loi type de la CNUDCI sur l’insolvabilité internationale (LTII) et la Loi type de la CNUDCI sur la reconnaissance et l’exécution des jugements liés à l’insolvabilité (LTREJI). Outre les deux éditeurs, Reinhard Bork (Allemagne) et Michael Veder (Pays-Bas), les personnes suivantes ont collaboré à cet ouvrage : Irit Mevorach (Royaume-Uni), Kristin van Zwieten (Royaume-Uni), Virginia Torrie (Canada), G. Ray Warner (États-Unis), Christopher Symes (Australie), Stephan Madaus (Allemagne), Catarina Serra (Portugal), Wan Wai Yee (Singapour) et Rodrigo Rodriguez (Suisse).
L’idée derrière cet ouvrage était de créer un guide sur le droit international de l’insolvabilité, comme il existe un guide sur le règlement européen relatif aux procédures d’insolvabilité2. En conséquence, le livre présente des examens approfondis du rôle des représentants et des créanciers étrangers dans les États adoptants, ainsi que des analyses des lois types dans le contexte de décisions importantes dans des dossiers d’insolvabilité internationale. Les chapitres proposent à la fois des perspectives théoriques et des conseils pratiques.
La Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) est de longue date un acteur important de la facilitation du commerce et des investissements internationaux, ainsi que de l’harmonisation et de la modernisation des lois en vue de la réalisation de ces objectifs3. Sa principale méthode pour atteindre ces objectifs consiste à élaborer et à promouvoir des instruments législatifs et non législatifs dans les principaux domaines du droit commercial. Les lois types de la CNUDCI ne sont pas automatiquement contraignantes, mais offrent plutôt un modèle que les pays peuvent incorporer dans leur législation nationale, avec ou sans modifications. Une fois adoptées par un pays participant, les dispositions de la loi type deviennent contraignantes pour les parties dans ce territoire de compétence.
La Loi type sur l’insolvabilité internationale a été adoptée en 1997 et constitue depuis le cadre de la coopération entre les tribunaux et les praticiens de l’insolvabilité dans les différents pays4. La LTII vise à régler les problèmes de coordination qui peuvent se poser lorsque le débiteur insolvable possède des actifs dans plus d’un pays et lorsque les créanciers se trouvent en dehors du pays dans lequel se déroule la procédure d’insolvabilité. Les insolvabilités internationales posent des problèmes d’harmonisation uniques à cet égard. Sans un cadre international, comme la LTII, la résolution de ces problèmes est trop souvent source d’imprévisibilité et de retards coûteux qui entravent les objectifs du droit de l’insolvabilité, à savoir la résolution efficace des actifs d’un failli, que ce soit par le biais d’une restructuration ou d’une liquidation.
En 2018, la CNUDCI a introduit la Loi type sur la reconnaissance et l’exécution des jugements liés à l’insolvabilité (LTREJI), qui était très attendue5. Au fil du temps, il est apparu clairement que de plus en plus de jugements étaient rendus dans des affaires d’insolvabilité internationale. Ces jugements nécessitaient une reconnaissance transfrontalière afin que la LTII puisse atteindre ses objectifs de coopération et d’harmonisation des procédures d’insolvabilité internationales. Par exemple, les ordonnances annulant des transactions ou approuvant des plans de restructuration sont essentielles à la résolution des actifs du failli. Cependant, dans un certain nombre de collectivités publiques, un degré élevé d’incertitude a prévalu sur la reconnaissance des jugements dans les dossiers d’insolvabilité internationale. La LTREJI a été élaborée pour répondre à cette question et constitue un complément important à la LTII. Prises ensemble, les deux lois types forment un cadre qui peut être adopté par les gouvernements nationaux pour accroître l’uniformité et la crédibilité des procédures d’insolvabilité internationales.
Une soixantaine de pays ont adopté la LTII en tout ou en partie6. Ce nombre comprend les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et le Japon, bien qu’il subsiste des différences dans la mise en œuvre et l’interprétation judiciaire. Le Canada a adopté la LTII en 2009, avec quelques modifications, et ses dispositions se trouvent dans la partie IV de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et dans la partie XIII de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité7.
L’ouvrage se compose de deux parties principales, chacune consacrée à l’une des lois types. Les parties et les chapitres suivent les articles de chaque loi type, ce qui rend la consultation très conviviale. Dans chaque chapitre, les collaborateurs et collaboratrices examinent l’interprétation de l’article en question, l’interprétation judiciaire, les interactions avec les lois nationales, les ambiguïtés ou les difficultés non résolues, ainsi que les éléments comparatifs. Cette discussion est enrichie par l’intégration de points de vue savants pertinents, apportant à la fois une profondeur et une pertinence sur le plan pratique qui reflètent l’expérience collective des éditeurs et des collaboratrices et collaborateurs.
L’analyse de la LTII est répartie en quatre grandes sections : Le champ d’application, l’accès des représentants et créanciers étrangers aux tribunaux de cet État, la reconnaissance d’une procédure et d’une mesure étrangère, et les procédures simultanées. Ensemble, ces sections regroupent 32 chapitres qui traitent des mécanismes des procédures d’insolvabilité internationales. Le traitement de la LTREJI n’est pas ventilé en sous-catégories distinctes, car il s’agit d’une loi type beaucoup plus courte. Cette partie du livre est plutôt constituée de 17 chapitres, chacun proposant une discussion approfondie d’un article de la LTREJI.
Le concept de « lieu des principales affaires » est un sujet du droit de l’insolvabilité internationale qui a récemment fait l’objet d’un grand intérêt. Pour rappel, la LTII est fondée sur le concept théorique de « l’universalisme », c’est-à-dire que tous les actifs et toutes les dettes du débiteur, où qu’ils se trouvent, devraient faire l’objet d’une seule procédure d’insolvabilité globale. Un des principes centraux de cette approche est le « lieu des principales affaires » du débiteur. Par là on entend que le lieu des principales affaires du débiteur devrait être établi et que ce soit le tribunal situé dans le territoire de compétence de ce lieu qui supervise l’insolvabilité. La LTII prévoit donc que les tribunaux d’autres pays reconnaissent les procédures d’insolvabilité engagées dans le pays du lieu des principales affaires et acceptent que le tribunal de ce lieu soit premier administrateur de l’actif du failli.
Bien que le lieu des principales affaires demeure un principe d’organisation central du droit de l’insolvabilité internationale actuel, il a récemment été examiné de plus près et fait l’objet de critiques dans les cercles internationaux de l’insolvabilité. Ces critiques soulignent que dans les grands dossiers de faillites internationales, il y a rarement « une seule bonne réponse » à la question de savoir quel pays devrait être le lieu des principales affaires du débiteur. Cela entraîne une incertitude quant à la bonne compétence et facilite les manœuvres stratégiques visant à établir le lieu des principales affaires dans le territoire préféré du débiteur – très probablement au détriment de ses créanciers. D’une part, la recherche du for le plus avantageux au moment de l’insolvabilité est problématique pour les personnes soucieuses d’efficacité financière, qui pensent que le choix du for devrait être fait, et de manière irrévocable, à la constitution de la société. D’autre part, la position de longue date des États-Unis en tant que lieu des principales affaires par défaut pour les grands dossiers d’insolvabilité internationaux est problématique pour tout pays qui souhaiterait devenir compétitif au niveau mondial en tant que lieu de choix pour l’insolvabilité, au profit des secteurs des services financiers et juridiques de ce pays. La solution à ces deux problèmes est une « règle d’engagement » en matière de faillite, en vertu de laquelle les débiteurs s’engagent à résoudre leur propre insolvabilité (s’il y a lieu) dans un territoire de compétence donné, déterminé à l’avance8. Cela permet d’anticiper la concurrence entre les fors choisis pour les affaires d’insolvabilité, en améliorant sans doute la prévisibilité et l’efficacité, et crée un avantage durable pour le for qui devient le plus rapidement le lieu de prédilection pour l’insolvabilité.
The UNCITRAL Model Laws on Cross-Border Insolvency and on the Recognition and Enforcement of Insolvency-Related Judgments traite en profondeur de la question du lieu des principales affaires dans le contexte des lois types. Toutefois, ce débat plus large sur la question de savoir si le lieu des principales affaires devrait être utilisé comme principe fondamental dans le droit de l’insolvabilité internationale dépasse naturellement le cadre de cet ouvrage. L’avenir nous dira si l’architecture dominante des lois types de la CNUDCI, qui met l’accent sur le lieu des principales affaires, perdurera ou si les appels à adopter une approche différente de la question du choix du for trouveront un écho auprès des décideurs politiques et déboucheront sur un nouveau cadre.
The UNCITRAL Model Laws on Cross-Border Insolvency and on the Recognition and Enforcement of Insolvency-Related Judgments constitue le guide de référence pour toute personne impliquée dans le monde complexe de l’insolvabilité internationale. Cet ouvrage constitue une base accessible pour la compréhension et l’application des lois types et sera utile aux juges, avocats, praticiens de l’insolvabilité, décideurs politiques et universitaires.
1 Reinhard Bork et Michael Veder, The UNCITRAL Model Laws on Cross-Border Insolvency and on the Recognition and Enforcement of Insolvency-Related Judgments: An Article-by-Article Commentary, Cheltenham (R.-U.), Edward Elgar, 2025.
2 Voir Reinhard Bork et Kristin van Zwieten, éditeurs. Commentary on the European Insolvency Regulation, 2e éd., Oxford, Oxford University Press, 2022.
3 Nations unies, Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, Loi type de la CNUDCI sur l’insolvabilité internationale (1997), en ligne : <https://uncitral.un.org/fr/texts/insolvency/modellaw/cross-border_insolvency>.
4 Loi type de la CNUDCI sur l’insolvabilité internationale (1997), en ligne : <https://uncitral.un.org/fr/texts/insolvency/modellaw/cross-border_insolvency>.
5 Loi type de la CNUDCI sur la reconnaissance et l’exécution des jugements liés à l’insolvabilité (2018), en ligne : <https://uncitral.un.org/fr/texts/insolvency/modellaw/mlij>.
6 Aurelio Gurrea-Martinez. « The Implementation of the Model Law on Cross-Border Insolvency: International Divergences and Challenges Ahead », International Corporate Rescue, vol. 21, no 4, 2024, p. 145, en ligne : SSRN <https://ssrn.com/abstract=4839163>.
7 RSC 1985 c C-36; L.R.C. (1985), ch. B-3. Voir également Jennifer Stam. « The Model Law in Canada » Norton Rose Fulbright, juin 2022, en ligne : <https://www.nortonrosefulbright.com/en/knowledge/publications/e7e4132d/the-model-law-in-canada>.
8 Anthony Casey, Aurelio Gurrea-Martinez et Robert K Rasmussen. « A Commitment Rule for Insolvency Forum », University of Chicago Business Law Review 51, vol. 4, no 1, 2025, p. 51, en ligne : <https://businesslawreview.uchicago.edu/print-archive/commitment-rule-insolvency-forum>.

