Diminution de 25 % du nombre de dossiers d’insolvabilité d’entreprises au Canada par rapport à l’an dernier

Les mesures de soutien mises en place par le gouvernement ont contribué à alléger le fardeau d’entreprises canadiennes en difficulté, mais nombre d’entreprises pourraient être à risque cet automne
7 juillet 2020

TORONTO, le 2 juillet 2020 – Au cours des derniers mois, la perspective de la faillite d’entreprises canadiennes a souvent fait les manchettes. Or, selon les dernières statistiques publiées aujourd’hui par le Bureau du surintendant des faillites (BSF), les entreprises du pays tiennent le coup en dépit de la pandémie de COVID‑19. De janvier à mai 2020, le nombre de dossiers d’insolvabilité d’entreprises a diminué de 24,9 % par rapport à la période correspondante l’an dernier. En mai seulement, il a baissé de 38,9 % par rapport à mai 2019, mais il avait tout de même augmenté de 17,7 % par rapport à avril.

Selon Mark Rosen, président du Conseil de l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation (ACPIR), les chiffres montrent que les entreprises ont bénéficié des programmes d’aide gouvernementale, entre autres la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC), le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC) et l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC). Ces mesures les ont aidées à demeurer en affaires malgré les difficultés découlant de la pandémie.

« Les subventions du gouvernement du Canada, les prêts sans intérêt, les subventions provinciales et la prolongation des délais pour le versement des loyers et la perception des impôts sont tous des facteurs qui ont fait en sorte que peu d’entreprises ont déposé un dossier d’insolvabilité presque partout au Canada, affirme M. Rosen. Toutes ces mesures ont laissé un répit à court terme aux propriétaires d’entreprises ayant des problèmes de liquidités. »

À la mi-juin, le gouvernement a assoupli les critères d’admissibilité des petites entreprises au CUEC, qui consent des prêts sans intérêt pouvant atteindre 40 000 $. Entre-temps, l’aide gouvernementale offerte dans le cadre de programmes tels que la SSUC et l’AUCLC a récemment été prolongée et se poursuivra durant l’été. D’autres mesures, comme l’interdiction d’expulsion de locataires commerciaux dans certaines provinces, visent à éviter l’éviction d’entreprises pour défaut de paiement de leur loyer.

D’après David Lewis, membre du Conseil de l’ACPIR, malgré la radiation partielle du prêt offerte par certains programmes, il faudra rembourser une partie des sommes. Les paiements reportés, entre autres le loyer et les impôts, se sont peut-être accumulés au cours des derniers mois. Ils viendront bientôt à échéance et, à ce stade, tout retard de paiement pourrait entraîner des pénalités et des intérêts. Certains paiements sont déjà échus, par exemple la TPS et la TVH, dont la date limite de versement avait été reportée jusqu’au 30 juin.

« D’après moi, les entreprises seront plus nombreuses cet automne à craquer sous la pression provoquée par la pandémie. Le nombre de dossiers de faillite pourrait augmenter à un rythme sans précédent. Nous commençons déjà à voir des signes avant-coureurs dans certains secteurs et certaines industries », affirme M. Lewis, qui exerce ses activités à Edmonton, en Alberta.

La Colombie-Britannique, le Manitoba et l’Alberta ont enregistré une hausse du nombre de dossiers d’insolvabilité par rapport à l’an dernier. En Colombie-Britannique, le nombre de dossiers a augmenté de 20 % pendant la période de 12 mois terminée le 31 mai 2020 par rapport à la période correspondante en 2019. Au Manitoba et en Alberta, il s’est accru de 8,8 % et 1,4 % respectivement au cours de la même période.

À l’échelle nationale, le secteur des arts, des spectacles et des loisirs a connu la plus forte augmentation du nombre de dossiers d’insolvabilité. Fait assez étonnant, le secteur de la construction et celui de l’hébergement et des services de restauration ont enregistré la diminution la plus marquée à ce chapitre au cours de la période de 12 mois terminée le 31 mai 2020.

« Dans certaines provinces, le secteur de la construction a pu poursuivre ses activités pendant la majeure partie de la pandémie. Certains sous-secteurs des services de restauration ont pu s’adapter en offrant des mets à emporter et des services de livraison. Il est donc logique que ces industries s’en tirent mieux que celles du secteur des arts et des spectacles, qui ont dû fermer leurs portes en raison des mesures de distanciation physique les empêchant d’accueillir le public ou de vendre des billets. »

Selon M. Lewis, n’eût été des mesures d’aide financière en place, de nombreuses entreprises canadiennes seraient probablement déjà insolvables. Il mentionne les résultats d’un sondage publiés cette semaine par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, selon lesquels 30 % des PME ne peuvent payer leur loyer en juillet sans aide.

« Les entreprises reprennent leurs activités, mais dans un contexte totalement nouveau. Elles constateront peut-être que leurs revenus sont insuffisants car la reprise est lente. Il leur sera donc difficile de rembourser les dettes accumulées lorsqu’elles n’auront plus l’aide gouvernementale. Les propriétaires d’entreprise dans cette position devraient faire appel à un professionnel dès qu’ils sont en difficulté. De cette façon, ils auront plus d’options à leur disposition pour gérer leurs remboursements que s’ils attendent trop longtemps avant de demander de l’aide », indique M. Lewis. Il ajoute que les syndics autorisés en insolvabilité sont des spécialistes qui adoptent une approche personnalisée pour examiner la situation financière de l’entreprise et aider les propriétaires à comprendre leurs droits et les options qui s’offrent à eux.

La réorganisation – l’une de ces options – permet aux propriétaires d’entreprises insolvables de restructurer leurs dettes, soit dans le cadre d’une procédure officielle ou d’une entente informelle avec les créanciers. L’entreprise et les créanciers conviennent de nouvelles modalités de paiement qui cadrent mieux avec les liquidités de l’entreprise, ce qui réduit son fardeau d’endettement et lui permet de poursuivre ses activités. Ou encore, si une entreprise réduit progressivement ses activités, la réorganisation peut l’aider à éviter certaines répercussions à long terme inhérentes à la faillite.

« Certaines personnes pensent que la réorganisation est une option réservée aux grandes entreprises mais, dans les faits, même les petites entreprises peuvent y avoir recours, soutient M. Lewis. La réorganisation pourrait les aider à se remettre sur pied et à éviter la faillite. À l’heure actuelle, de nombreuses petites entreprises veulent seulement tenir bon jusqu’au retour de leurs clients. Et c’est là que réside le problème : les habitudes de consommation ont changé. Nombre de Canadiens ont des difficultés financières et il se peut qu’ils ne reviennent jamais. »

En mai 2020, le taux de chômage a atteint le niveau le plus élevé en plus de 40 ans, soit 13,7 %, mais le nombre total de dossiers d’insolvabilité de consommateurs avait diminué de 50,6 % par rapport à mai 2019. Les consommateurs canadiens bénéficient eux aussi de l’aide financière accordée par le gouvernement en raison de la COVID-19, ce qui explique la baisse de 1,8 % du nombre de dossiers d’insolvabilité de consommateurs au cours de la période de 12 mois terminée le 31 mai 2020 par rapport à la période correspondante en 2019.