ACPIR : Statistiques sur l’insolvabilité au Canada pour 2020

Le nombre de dossiers d’insolvabilité au Canada atteint son niveau le plus bas en 20 ans alors que l’aide accordée pour lutter contre la pandémie atténue les répercussions financières
8 février 2021

Les mesures de soutien mises en place par le gouvernement, l’absence des éléments déclencheurs habituels et le report du dépôt font en sorte que le nombre de dossiers d’insolvabilité a atteint son niveau le plus bas depuis 1999.   

TORONTO (Ontario), le 5 février 2021 – Le nombre de dossiers d’insolvabilité au Canada en 2020 a atteint son plus bas niveau depuis 1999, car une panoplie de programmes de soutien gouvernemental atténuent temporairement les effets dévastateurs sur le revenu ainsi que l’incertitude économique provoqués par la pandémie de COVID‑19. 

Selon le Bureau du surintendant des faillites (BSF), 99 244 dossiers d’insolvabilité – faillites et propositions de consommateurs ainsi que faillites d’entreprises – ont été déposés en 2020, soit une baisse de 30 % par rapport à 2019. Le nombre total de dossiers d’insolvabilité a diminué de près de 30 % par rapport à 2010, année où il avait atteint un sommet après la dernière récession. Le nombre de dossiers de consommateurs a également diminué de 30 % par rapport à 2019, atteignant ainsi son plus bas niveau en 18 ans. Par ailleurs, le nombre de dossiers d’insolvabilité d’entreprises a reculé de 24 % par rapport à 2019 pour se situer à son plus bas niveau depuis que l’on a commencé à recueillir ces données en 1987.

« Ce creux historique est attribuable aux programmes d’aide gouvernementale qui ont permis à de nombreux individus et entreprises de survivre malgré l’énorme détresse financière causée par la pandémie. Toutefois, les données ne reflètent pas encore les changements inévitables lorsque ces programmes prendront fin », affirme Mark Rosen, président du conseil d’administration de l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation (ACPIR).

Le nombre de dossiers d’insolvabilité d’entreprises déposés au cours de la période de 12 mois ayant pris fin le 31 décembre 2020 marque une baisse de 24,3 % par rapport à la période correspondante en 2019. Le secteur des arts, du spectacle et des loisirs et celui de la gestion de sociétés et d’entreprises affichent l’augmentation la plus importante du nombre de dossiers d’insolvabilité, tandis que ceux de la construction et de la fabrication ont enregistré la baisse la plus marquée.

« La catastrophe financière causée par la pandémie a contraint de nombreuses entreprises canadiennes à fermer leurs portes pour de bon l’an dernier. Les statistiques sur l’insolvabilité ne reflètent pas ces fermetures, car bon nombre de propriétaires d’entreprise ont choisi de cesser leurs activités sans déclarer faillite », indique M. Rosen. 

Le nombre de dossiers de consommateurs a diminué de 33,5 % au quatrième trimestre de 2020 par rapport au trimestre correspondant de 2019. Après avoir subi une baisse record (45,4 %) au deuxième trimestre par rapport au trimestre correspondant de l’année précédente, le nombre de dossiers d’insolvabilité de consommateurs a reculé de 29,7 % au cours de la période de 12 mois ayant pris fin le 31 décembre 2020 par rapport à la période correspondante l’année précédente.

Toutes les provinces ont connu une diminution du nombre de dossiers d’insolvabilité de consommateurs en 2020, mais cette baisse a été plus marquée pour certaines d’entre elles. Ainsi, les baisses les plus fortes ont été enregistrées dans la plupart des provinces de l’Atlantique, soit à l’Île-du-Prince-Édouard (-43,1 %), en Nouvelle-Écosse (-42,1 %) et à Terre-Neuve-et Labrador (-41,9 %). Viennent ensuite le Québec (-37,8 %), le Nouveau-Brunswick (-30,6 %), la Colombie-Britannique (-26,3 %), l’Ontario (-24,2 %) et la Saskatchewan (-23,5 %). L’Alberta (-21,5 %) et le Manitoba (-19,7 %) ont connu les baisses les plus faibles à ce chapitre.

Les mesures de soutien gouvernemental ont permis aux individus et aux entreprises de se maintenir à flots

Alors qu’un nombre sans précédent de Canadiens reçoivent des prestations d’assurance-emploi et que des entreprises sont forcées de cesser temporairement leurs activités pour lutter contre la propagation du coronavirus, la dégringolade du nombre de dossiers d’insolvabilité peut sembler paradoxale. Selon Mark Rosen, les mesures de soutien gouvernemental, les prêts aux entreprises et la souplesse des créanciers ont permis de compenser en grande partie les pertes de revenu et entraîné un niveau record d’épargne.

« Depuis un an, les subventions gouvernementales, les prêts sans intérêt, les subventions provinciales et le report du remboursement des prêts ont éliminé les pressions financières immédiates qui obligent souvent les débiteurs à prendre une décision en matière d’insolvabilité », explique-t-il.

Des éléments déclencheurs quasi inexistants en 2020

« Les appels téléphoniques des créanciers et les avis d’expulsion ou de saisie immobilière sont des déclencheurs courants qui forcent les gens à chercher des options pour alléger leur dettes. Toutefois, ces déclencheurs étaient quasi inexistants en 2020, précise André Bolduc, membre du conseil d’administration de l’ACPIR et syndic autorisé en insolvabilité. En général, les créanciers n’ont pas cherché activement à recouvrer les sommes qui leur sont dues, les entreprises n’ont pas été poursuivies pour avoir manqué des paiements et les sociétés hypothécaires ont accordé des reports de paiement. »    

Selon M. Bolduc, les créanciers – qu’il s’agisse d’institutions financières, d’émetteurs de cartes de crédit ou de fournisseurs de services – commencent maintenant à intensifier leurs activités de recouvrement.

« Après une très longue pause, nous commençons à constater que des créanciers obtiennent des jugements contre des gens qui leur doivent de l’argent », explique-t-il.

L’incertitude a retardé les dépôts alors que le « supplice financier » des Canadiens lourdement endettés se prolonge

Même en temps normal, il y a souvent un délai considérable entre le moment où les gens prennent conscience de leurs graves problèmes d’endettement et celui où ils passent à l’action. Des débiteurs peuvent se démener en vain pendant des années pour rembourser leurs dettes et ne demander de l’aide qu’après une longue période de problèmes financiers. Selon M. Bolduc, la pandémie a certainement prolongé le « supplice financier » de Canadiens lourdement endettés.

« Bien des familles et des ménages qui étaient au bord de l’insolvabilité avant la pandémie ont reporté leurs décisions financières. Aujourd’hui, ils ont passé plusieurs mois sans revenus et ne peuvent guère compter sur des revenus futurs pour rembourser leurs factures en souffrance. Lorsque les gens devront commencer à rembourser les énormes arriérés qu’ils ont accumulés, le nombre de dossiers d’insolvabilité montera en flèche », indique André Bolduc. 

Les gens surestiment souvent leur capacité à se sortir sans aide de leur situation financière difficile. À terme, ils peuvent subir la pression des créanciers, recevoir des appels menaçants d’agences de recouvrement et se faire saisir leur salaire. Tous ces désagréments les incitent à demander de l’aide.

D’après M. Bolduc, les personnes en difficulté financière s’en tirent généralement mieux si elles demandent des conseils dès le début. En effet, la procédure d’insolvabilité les protège automatiquement contre les efforts de recouvrement de leurs créanciers. Elle leur offre en outre un moyen systématique d’élaborer leur plan de remboursement avec l’aide d’un spécialiste. 

L’insolvabilité, soupape de sécurité pour les consommateurs et les entreprises

La procédure d’insolvabilité au Canada est en quelque sorte une soupape de sécurité pour les consommateurs et les entreprises en difficulté financière. En plus de protéger les droits des débiteurs et ceux des créanciers, elle offre la possibilité d’un nouveau départ et répartit les pertes. S’il s’avère que la faillite ou la proposition de consommateur constitue la meilleure option, le syndic veillera à la fois au respect des droits des débiteurs et à la protection de ceux des créanciers.

« Il y a beaucoup de stigmatisation autour de la faillite. Par exemple, certains considèrent qu’un débiteur est nécessairement fautif ou qu’il a échoué. Mais c’est tout le contraire, surtout au vu des reculs financiers de la dernière année. Le fait d’aller chercher de l’aide pour se sortir de l’endettement devrait être considéré comme une responsabilité et non comme un échec, ajoute M. Bolduc. Lorsqu’une personne ou une entreprise éprouve de graves difficultés financières, il est dans l’intérêt de tous – tant le débiteur que ses prêteurs – qu’elle fasse appel à un syndic autorisé en insolvabilité. »

Au Canada, les syndics autorisés en insolvabilité sont les seuls professionnels autorisés à libérer les individus et les entreprises de leurs dettes et à administrer des propositions de consommateurs et des faillites. Ils donnent des conseils personnalisés et impartiaux sur la vaste gamme d’options d’allégement des dettes qui s’offrent aux Canadiens. Il peut s’agir, par exemple, de conclure une entente informelle avec les créanciers pour le remboursement de leurs dettes, de consolider toutes les dettes en un seul paiement mensuel, d’élaborer un plan de remboursement de leurs dettes dans le cadre d’une proposition de consommateur ou de déclarer faillite.

« La pandémie ajoute encore à la complexité pour les débiteurs. Par exemple, pour de nombreux propriétaires d’entreprise qui ont fermé leurs portes temporairement en raison des mesures sanitaires imposées par le gouvernement, leur vie personnelle et leur santé financière sont étroitement liées. Certains d’entre eux ont peut-être fourni des garanties personnelles pour des prêts contractés par leur entreprise. Si leur entreprise est en difficulté en raison de la pandémie, ils pourraient devenir personnellement insolvables. Chaque situation est unique. C’est pourquoi il est important d’obtenir les conseils d’un professionnel autorisé, affirme André Bolduc. Plus tôt les débiteurs demandent de l’aide, plus nombreuses sont les options qui s’offrent à eux afin de restructurer leurs dettes. »